Standard and Poor: y a-il un pilote dans …la Tesla ?
En décidant d’intégrer Tesla dans son indice vedette le S&P500, Standard & Poor fait preuve d’un amateurisme qui risque de discréditer la gestion indicielle
Le 21 décembre, Tesla intègrera le prestigieux indice Standard & Poor 500 (S&P500) et des millions d’épargnants vont se retrouver investisseurs dans Tesla, à un cours qui ferait trembler tout adepte de la gestion « en bon père de famille » …
En effet, selon le mécanisme classique de la gestion indicielle, dans un indice comme le SP500, plus la capitalisation d’une société est importante, plus son poids est élevé dans l’indice. Quand une action est intégrée dans l’indice, plus son poids est important, plus la quantité d’actions que les gérants qui répliquent cet indice vont devoir acheter devra donc être élevée.
Etant donnée la taille colossale des actifs sous gestion liés à cet indice (11 000 milliards de dollars selon le Financial Times) et la capitalisation de Tesla lors de l’annonce le 17 novembre de son inclusion dans l’indice (390 milliards de dollars, soit la 7ème en taille de l’indice), ces gérants vont devoir acheter des montants gigantesques d’actions Tesla, augmentant ainsi son cours, sa capitalisation et son poids dans l’indice et donc le nombre d’actions à acheter…
Les scientifiques diraient qu’il s’agit d’un phénomène de boucle de rétroaction. Pour des financiers « responsables », il s’agit plutôt d’un cercle vicieux très dangereux, dont l’épargnant final sera la victime, et qui risque de discréditer la gestion indicielle.
Un comité d’expert versatile
Le cours de l’action Tesla, avant même l’annonce de son entrée dans le SP500, avait été multiplié par cinq depuis le début de l’année, avec une valorisation supérieure à celle de GM, Ford, Fiat Chrysler et Toyota réunis, alors qu’elle ne produit qu’environ 1% de la production mondiale de véhicules. Pour un grand nombre d’analystes financiers, cette valorisation n’a plus aucun sens.
Alors que Tesla respectait les critères d’intégration dans l’indice SP500 pour l’ajustement de septembre, le comité « scientifique » de Standard & Poor ne l’avait pas incluse. En effet, un des critères d’admission nécessite une rentabilité sur quatre semestres consécutifs. Tesla s’y conformait, mais uniquement grâce à la vente à d’autres constructeurs de certificats d’émissions (autrement dit des droits à polluer), revenus qui comme le reconnait Tesla vont s’amenuiser au cours du temps. Le marché avait analysé comme « sage » cette décision : titan en termes de valorisation, la firme d’Elon Musk n’est toujours pas rentable sur son activité principale de production d’automobiles.
Ces mêmes analystes ont été quelque peu surpris quand trois mois plus tard, le 16 novembre, ce comité décidait d’intégrer Tesla. Encore plus étonnant : le comité avouait son impuissance et ses interrogations quant aux modalités pratiques de l’inclusion de Tesla dans l’indice ; il se sentait obligé d’interroger les principaux fonds indiciels pour savoir s’il valait mieux privilégier une inclusion en un ou en deux temps ; à se demander s’il y a un pilote dans le comité….
La force de rétroaction a commencé
Tout cela pourrait faire sourire si les montants en jeu n’étaient pas aussi astronomiques. Depuis l’annonce de Standard & Poor, la force de rétroaction a commencé à faire son effet et l’action a pris 40 % supplémentaire, faisant de son fantasque patron Elon Musk le deuxième homme le plus riche du monde.
Au cours de Tesla du 25 novembre, les gestionnaires devraient acheter au moins 51 milliards de dollars d’actions Tesla et vendre pour le même montant de toutes les autres actions de l’indice. Avec de telles contraintes, personne ne sait jusqu’où le cours de Tesla pourra aller…
Les millions d’investisseurs qui, à travers notamment leur fonds de pension, se fient à la gestion indicielle, vont être les perdants quand le fondamental de Tesla reprendra le dessus, alors que les investisseurs sophistiqués comme les hedge funds auront su de leur côté profiter de ce phénomène technique.
A l’heure où les institutions financières sont de plus en plus régulées et où la gestion indicielle est amenée à encore augmenter ses parts de marché, espérons que les fournisseurs d’indice (S&P, MSCI, Stoxx, FT…) vont connaitre eux aussi une force de rappel par les régulateurs, évitant l’amateurisme dont Standard & Poor vient de faire preuve.