Jezabel, arrêtez de tirer sur les banquiers !
Chère Jézabel
Je suis très impressionné par l’aura médiatique que vous avez réussi à acquérir dans le domaine bancaire
Aura acquise, contrairement à vos collègues éditorialistes du Monde, Jean Pisani-Ferry et Patrick Artus, sans avoir jamais eu d’expérience autre qu’universitaire, ou effectué le travail statistique colossal d’un Thomas Piketty sur l’histoire des inégalités.
Certes, vous avez un point commun avec Thomas Piketty une obsession qui ressort dans chacun de vos écrits :
– Piketty, quel que soit le sujet de sa tribune prône le rétablissement de l’ISF pour sauver la France…
– Quant à vous, c’est une attaque constante du fonctionnement des banques et des marchés financiers.
A titre d’exemple dans votre tribune du Monde du 4 juillet (lien ci-dessus), vous critiquez les politiques d’intervention des banques centrales destinées uniquement selon vous à soutenir les marchés sans répercussion sur l’économie réelle.
Pensez-vous que si les taux italiens ou français étaient repartis violemment à la hausse sans les interventions de la BCE, cela n’aurait pas de conséquences dramatiques pour ces pays et leur population, une partie importante de leur budget devant être consacrée à payer des intérêts élevés à ces «profiteurs des marchés » ?
Les entreprises (notamment dans des secteurs touchés de plein fouet par la crise comme les croisières) ont pu effectuer également de très importantes émissions obligataires dans les semaines qui ont suivi le début de la crise grâce là aussi aux anticipations par “les marchés” d’achats d’obligations « corporates » des banques centrales. Sans cela, ces entreprises auraient été très rapidement à cours de liquidité et en faillite avec des conséquences sociales immédiates.
Les marchés contrairement à l’image que vous en donnez ont un rôle économique: notamment de financer les Etats et les entreprises…
Vous jugez également les banques européennes inutiles, les banques centrales pouvant financer « directement » les acteurs économiques. Vous rendez vous compte du travail d’analyse nécessaire pour connaitre la réalité « de terrain » et faire la part entre le bon grain et l’ivraie, que ce soit pour une PME ou une grande entreprise? Le Prêt Garanti par l’Etat qui a sauvé de multiples emplois aurait été inenvisageable sans l’engagement très fort des personnels des banques et de leurs outils informatiques.
Dans d’autres tribunes, vous jugez qu’il ne faut rien faire pour alléger les contraintes réglementaires sur le capital des banques, tout en les critiquant de ne pas assez financer l’économie. Or derrière chaque prêt, il y a des fonds propres à allouer….
Il est vrai que selon vous ces fonds propres n’ont pas vocation à être rentables, et vous ne voyez aucun problème à ce que l’industrie bancaire européenne faute de profitabilité soit extrêmement décotée notamment par rapport aux mastodontes bancaires anglosaxons. Si les « marchés » continuent à se détourner des banques européennes, celles-ci, contraintes par la taille de leurs fonds propres, n’auront alors vraiment plus la capacité de financer les acteurs économiques.
J’ai du mal à comprendre les solutions concrètes que vous proposez : souhaitez-vous nationaliser tout le système bancaire (l’état actionnaire a effectivement fait ses preuves ces dernières décennies…) ?
Je me félicite que les gouvernements, banques centrales et banques commerciales aient pu mettre en place aussi rapidement des solutions qui nous ont évité une crise de 1929 immédiate, à défaut de satisfaire une « théoricienne » comme vous.
Cordialement
Denis ALEXANDRE
Ancien banquier et homme de marché