Banquiers européens, défendez- vous! (L’Opinion 28/03/2023)
La faillite de Silicon Valley Bank (SVB) puis la reprise du Credit Suisse en déconfiture par UBS ont rappelé à certains les heures les plus sombres de la crise financière de 2008. A l’époque, suite à la faillite de Lehman Brothers, le système financier mondial n’a été sauvé que grâce au sauvetage par les Etats de nombreuses institutions financières à un coût considérable pour les contribuables de ces pays. Face à cette dérive dans l’utilisation de l’argent public, les politiques ont souhaité prendre des mesures pour ne plus jamais vivre une telle situation.
C’est pourquoi les autorités réglementaires ont mis en place de nouvelles règles dites « Bâle III » beaucoup plus contraignantes pour que les banques aient une approche plus prudente en termes de capitaux propres, de coussins de liquidité, et de gestion actif-passif.
La faillite de SVB est due à la non-application de ces règles que l’administration Trump jugeait trop contraignantes pour des établissements de taille intermédiaire (seules 13 banques y sont soumises contre plus de 400 en Europe), mais aussi à un management réellement défaillant et à une fuite des dépôts « instantanée », liée à une base de clients à la fois très concentrée en nombre et en activité (le secteur de la tech).
Credit Suisse, quant à lui, était le mouton noir des banques européennes, avec une culture de risque complètement absente si bien que son nom apparaissait dans quasiment tous les scandales et pertes bancaires de ces dernières années. Quand son ancien CEO Tidjane Thiam expliquait il y a quelques jours que la situation était tout à fait adéquate grâce à son leadership jusqu’à son départ début 2020, cela peut faire sourire…
Crise de confiance. Mais pourquoi alors évoque-t-on une contagion aux banques de la zone euro où les règles de Bâle III et des stress tests spécifiques sur le risque de taux sont appliqués depuis des années ? Beaucoup « d’experts » s’expriment sur ce sujet : des professeurs d’économie, considèrent par militantisme politique anti-banque que rien n’a changé depuis 2008, alors que tous les chiffres disent le contraire. Il est vrai qu’ils avaient déjà prévu l’effondrement des banques pendant la crise de la Covid… D’autres en se référant au passé et aux pertes importantes qu’ont connu des établissements comme Deutsche Bank, ou Société Generale comme les futures victimes d’un effet domino sans analyser précisément la situation de ces banques aujourd’hui. Elles sont ainsi toutes les deux rentables et solides.
Enfin, des gérants de hedge funds diffusent sur les réseaux sociaux des messages alarmistes comme ce fut le cas vendredi en prenant comme illustration le coût pour s’assurer contre un risque de défaut (CDS) de tel ou tel établissement.
Ces instruments sont très facilement manipulables et, comme nous l’avons vu sur Deutsche Banque vendredi 24 mars, peuvent accentuer l’aversion au risque et provoquer la chute des cours. Celle-ci peut créer un scenario auto-réalisateur : les déposants prennent peur face à ces nouvelles reprises en gros titre dans la presse et placent leur argent dans un autre établissement… Or quel que soit l’état de santé, les ratios de capitalisation et de liquidité, une banque ne peut survivre à une crise de confiance.
Il faut donc qu’elles sachent se défendre avec l’aide des autorités de régulation par différents types de mesure :
- Une communication claire, pédagogique et transparente sur sa santé financière, ses ratios prudentiels, et sa situation avec les niveaux de taux actuels et les conséquences s’ils continuent de monter
- Un rappel que nous ne sommes pas à ce stade dans un krach bancaire puisque les cours retrouvent leur niveau de fin 2022. Les banques européennes avaient progressé de 25% depuis début 2023, le marché se rendant compte de leur profitabilité dans un contexte, justement, de hausse des taux
- Enfin il est nécessaire d’éviter le scenario auto-réalisateur d’une chute des cours provoquant une faillite d’acteurs en bonne santé, qui ne profiterait qu’à des spéculateurs ayant misé sur cette stratégie. Pourquoi ne pas remettre en place des mesures prises pendant le Covid et en 2008 en interdisant les ventes à découvert sur les actions bancaires par exemple, afin de limiter les opérations de spéculation agressives
Avec tous les efforts menés à bien par les régulateurs et les banques européennes au cours de ces dernières années, ce serait affligeant d’avoir de nouveau une crise financière déclenchée par la peur et la difficulté de comprendre un bilan bancaire.