Des « Harry Potter » de la finance aux commandes du LIBRA ?
L’actualité autour des crypto-monnaies évolue à vitesse fulgurante… Il y a seulement un an, les conférences liées au Bitcoin faisaient salle comble ; Il y a quelques jours, au forum mondial de l’OCDE 2019 « sur les politiques en matière de blockchain», l’ambiance était tout autre : on n’y parle que de Stable Coins et bien sûr du Libra. Dès l’ouverture, Bruno Le Maire, ministre français de l’Economie et des Finances, a clairement exprimé sa franche opposition, pour ne pas dire son hostilité, vis-à-vis de la monnaie virtuelle de Facebook et de ses partenaires. Mais en écoutant la réponse de Bertrand Perez, le numéro Un de l’association Libra, on pouvait se demander si le Libra était dirigé par un apprenti sorcier.
Certes, Bertrand Perez a voulu rassurer sur l’importance pour la Libra Association d’entretenir un dialogue constant avec les autorités de régulation et sur son souci de ne pas se substituer, ni même interférer avec la politique monétaire des Etats. Mais l’un des arguments qu’il a utilisé pour ce faire était en substance le suivant : le Libra n’a pas vocation à être stocké par ses utilisateurs, qui n’en useront que pour des opérations ponctuelles de « paiement ».
Bertrand Perez peut avoir raison en période « normale », mais il semble oublier la façon dont les acteurs se comportent lors d’une crise financière. Ceux qui étaient comme moi « au cœur du réacteur » bancaire pendant la crise de 2008 ont pu voir nombre de leurs collègues effectuer des virements importants de leur « banque commerciale » vers la Banque Postale afin de protéger leur épargne d’une éventuelle faillite ! Dans l’excellente série « Years after Years », la panique décrite devant les banques britanniques en cas de nouvelles crises est tout à fait réaliste.
Le Libra, avec sa faible volatilité liée au panier de devises (par opposition à celle notamment du bitcoin) en fera une valeur refuge immédiate en cas de crise bancaire, car le transfert pourra se faire en quelques clics dès qu’un sentiment d’insécurité apparaîtra. Dans un tel scenario, il y a donc un vrai risque de « bank run » si le Libra ou d’autres stable coins considérés comme de vraies valeurs refuges se développent.
Les conséquences pourraient être dramatiques pour les banques à court de liquidités, d’autant que l’effet serait simultané et mondial, avec des conséquences immédiates sur les systèmes financiers, notamment ceux des pays émergeants.
Que le dirigeant de l’association Libra n’aie pas en tête ce type de scenarios pour s’y préparer est plutôt effrayant. A l’école des apprentis sorciers, il faut qu’Harry Potter demande au Dean de Poudlard de rajouter des cours de finance et de risque management à l’option blockchain.